Le Syndicat National des Assistants Sociaux de l’Éducation Nationale – UNSA a adressé un courrier à la DGESCO afin d’exprimer le profond désaccord et les vives inquiétudes des conseiller·ère·s techniques du service social en faveur des élèves, à la suite de la présentation de la nouvelle application « Enfance en danger », le 23 septembre 2025.

« Sur l’absence de concertation et la déconsidération de l’expertise de terrain

Nous regrettons vivement de constater l’élaboration de cet outil sans aucune information ni concertation préalable avec les organisations syndicales représentatives des personnels sociaux et les Conseiller-e-s Techniques de Service Social professionnels directement concernés. Cette absence totale de dialogue sur un sujet qui constitue le cœur de nos missions du Service Social en Faveur des Élèves est perçue comme une véritable déconsidération de notre expertise. Une telle approche fragilise la dynamique de coopération et de confiance, pourtant indispensable dans le champ sensible de la protection de l’enfance.

Sur l’inadaptation de l’outil et les risques opérationnels

Conçue sur le modèle similaire à celui de la plateforme « STOP Harcèlement », l’application ne répond pas, en l’état actuel, aux exigences propres au champ de la protection de l’enfance. Elle présente un risque important de duplication inutile avec les dispositifs existants, notamment l’application « Faits Établissement » qui est le premier outil de signalement des violences en milieu scolaire et introduit une source de confusion dans la répartition des rôles institutionnels, en contradiction avec les circuits partenariaux établis dans les départements. Ce constat ne remet nullement en cause l’objectif partagé de mieux protéger les enfants, mais interroge profondément sur les moyens choisis pour y parvenir.

L’utilisation de cet outil tel qu’il est présenté soulève des risques majeurs lorsque des faits graves, notamment signalés par le 119, sont susceptibles d’être judiciarisés.

Sur les risques juridiques, déontologiques et psychologiques

Nos alertes portent sur des risques multiples et majeurs :

            – Risques institutionnels et judiciaires : La conduite d’investigations internes pourrait interférer avec l’action judiciaire, compromettre des enquêtes en cours et fragiliser les protocoles établis avec les parquets et les conseils départementaux. Une telle démarche pourrait fragiliser l’application de l’article 40 du Code de procédure pénale, qui impose aux personnels de l’Éducation nationale une obligation de signalement immédiat aux autorités judiciaires en cas de crime ou de délit.

            – Risques pour l’enfant : La multiplication d’entretiens et de récits par différents acteurs (chef d’établissement, service social, enquêteurs…) est susceptible de réactiver le traumatisme et d’augmenter la confusion et l’insécurité vécues par l’enfant, en contradiction avec les principes posés par les lois du 5 mars 2007, du 14 mars 2016 et du 7 février 2022 relatives à la protection de l’enfance.

            -Risques déontologiques : La pression liée aux délais imposés (notamment les 48 heures) et le partage non coordonné d’informations sensibles sont susceptibles d’entraîner des violations du secret professionnel (article L.226-2-2 du Code de l’action sociale et des familles) et du secret de l’enquête (article 11 du Code de procédure pénale).

Nous rappelons que le rôle de l’institution scolaire — et plus spécifiquement celui des conseiller·ère·s techniques de service social — est d’assurer la protection, le signalement et l’accompagnement, conformément à l’article L.226-2-1 du Code de l’action sociale et des familles. Les investigations relèvent exclusivement des autorités compétentes : parquet, services de protection de l’enfance et forces de l’ordre.

Sur la nécessité d’une co-construction

Si nous partageons pleinement la volonté de renforcer la vigilance institutionnelle et la protection des élèves vulnérables dans le cadre du plan « Brisons le silence, agissons ensemble », nous considérons que cette application, en l’état, ne répond pas aux exigences de sécurité juridique, déontologique et partenariale indispensables à un tel dispositif. Elle risque même de fragiliser des coopérations locales construites patiemment et reconnues pour leur efficacité.

Nous vous demandons en conséquence :

– de suspendre le déploiement de l’application « Enfance en danger » ;
– et de co-construire des outils et des procédures réellement adaptés, respectueux des droits de l’enfant et cohérents avec le cadre juridique et partenarial existant.

– de concerter les professionnels de terrain (conseillers techniques de service social rectoraux et départementaux)

– une rencontre urgente avec notre organisation syndicale représentative des personnels sociaux.

Nous réaffirmons notre attachement à la mission de protection de l’enfance et notre volonté de contribuer activement à une politique éducative responsable, juridiquement sécurisée et protectrice des plus vulnérables. »

Le SNASEN-UNSA saisit la DGESCO au sujet de la nouvelle application « Enfance en danger »