1) En tant que chargée de mission à l’UNSA et représentante de l’UNSA au Haut Conseil du Travail Social, quels sont les constats sur l’impact de la crise sanitaire sur le travail social et les pratiques professionnelles ?
Nous avons une fois de plus constaté que les travailleurs sociaux sont des travailleurs « invisibles au service de populations invisibles » … La crise sanitaire a mobilisé l’action publique pour l’essentiel dans le champ du soin. Le « prendre soin » a été complètement occulté : travailleurs sociaux non inclus dans les personnels prioritaires pour la dotation de matériel de protection, pour l’accès aux gardes d’enfants (il faudra attendre plusieurs semaines, et pour les seuls professionnels de la protection de l’enfance), idem pour la prime « COVID ».
La question de l’utile, du nécessaire et de l’indispensable dans le champ du social est venu également interroger la continuité des missions de service public.
L’absence de visibilité sur les effectifs mobilisables, la nature possible des actions, l’absence d’outils adaptés a grandement désorganisé les services.
Des différences très nettes sont apparues également selon le type d’organisation : organisation verticale ou co-construction / managers non issus du travail social (vision gestionnaire de dossiers) / consultation des organisations syndicales (CHSCT) / existence d’un PCA actualisé (versus H1N1) / management de crise ou tâtonnant voire absent …
L’accès aux services sociaux a été très dépendant de la communication sur l’existence, les missions et les moyens de contacter les services sociaux (exemple du service social scolaire absent des ENT – Espaces numériques de travail).
Nous devrons être présents et très vigilants dans la période post crise, et notamment sur l’enjeu du développement du télétravail, qui ne doit pas rester « du travail au domicile » en gardant / et garder le cap du cœur du métier : l’accompagnement des personnes, qu’il soit individuel ou collectif.
2) Le HCTS et la Commission Ethique et déontologie ont été mandatés pour « Explorer l’impact de la crise sanitaire sur les organisations sociales et médico-sociales, les pratiques professionnelles du travail social et en tirer des enseignements. ». Peux-tu nous dire où en sont les travaux ?
Deux écrits ont été produits.
La commission éthique et déontologie, mobilisée dès le printemps dernier, s’est penchée sur les aspects éthiques et déontologiques. Neuf recommandations concluent ses réflexions sur les conséquences des mesures sanitaires, la mise en œuvre difficile des consignes de travail, l’émergence de nouvelles problématiques et la montée des incertitudes. On peut noter par exemple : le rôle essentiel du travail social dans la recherche de cohésion sociale et de solidarité en temps de crise, la nécessaire permanence du dialogue social permettant l’expression d’avis divergents et le rapprochement des points de vue, dans une éthique de la discussion. Autre point qui a fait consensus : la nécessaire reconnaissance de l’expertise des travailleurs sociaux (analyse des situations en temps de crise, alerte des décideurs, anticipation des effets).
La saisine interministérielle du 5 octobre 2020 s’est traduite par une large démarche d’auditions (dont les organisations syndicales). Le rapport en 2 parties balaye une grande partie des problématiques et propose une série de 12 préconisations. L’UNSA l’a approuvé lors de la plénière du 25 janvier. Riche et constructif, il va au-delà du rappel des principes qui fondent le travail social. Nous sommes particulièrement satisfaits de voir le HCTS se saisir de l’enjeu majeur de la mise en place des Plans de continuité de l’activité (PCA), qui ont cruellement fait défaut dans nombre d’institutions, sans parler de l’absence d’articulation entre PCA des institutions d’un même territoire.
Ils sont disponiblesici : LES EFFETS DE LA CRISE « COVID-19 »
SUR LES PRATIQUES DES TRAVAILLEURS SOCIAUX :
ASPECTS ETHIQUES ET DEONTOLOGIQUES
Travail social face à la crise sanitaire ici
et seront disponibles sur le site du HCTS
3) L’UNSA a très trop alerté sur la situation des jeunes (de l’Aide sociale à l’enfance, mineurs non accompagnés, étudiants …). La crise sanitaire a fait revenir dans le débat public le revenu universel d’activité. Peux-tu nous dire ce que l’UNSA porte à ce sujet concernant les jeunes, et où en est le gouvernement ?
Pour l’UNSA, la première étape urgente serait d’enclencher l’élargissement de l’accès au RSA aux jeunes de moins de 25 ans n’ayant ni ressources – du fait de la crise – ni soutien familial. Il faut également proroger l’interdiction des sorties sèches des jeunes majeurs de l’Aide sociale à l’enfance, avant, de manière définitive, acter l’étape des 21 ans comme l’horizon de la prise en charge par l’ASE.
A terme, il faudrait intégrer tous les jeunes, de facto, dans les bénéficiaires du RUA.
L’UNSA adhère au principe de la création du RUA sous la forme d’un revenu universel de solidarité (RUS) attaché à la personne dès 18 ans (indexé au salaire médian, le socle étant de 60% de ce montant : seuil de pauvreté). Pour les jeunes, il s’agit de prendre en compte ceux ne bénéficiant d’aucun soutien de leurs parents ou indépendants fiscalement : jeunes majeurs de l’ASE, NEET (hors étude, formation et emploi), étudiants (en remplacement des bourses).
Le gouvernement persiste dans un refus obstiné d’une telle approche, préférant des aides ponctuelles, sous conditions et sectorielles, très largement liées à l’insertion dans le monde du travail (ce qui est une imposture intellectuelle). Faut-il rappeler que la France est le seul pays européen qui met une barrière d’âge supérieure à l’âge de la majorité pour l’aide sociale de base !